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Retour sur la conférence Bois-Énergie : "Enjeux Climatiques & de Santé

Doit-on couper nos arbres pour les brûler ?


Un dialogue entre science, santé et environnement pour mieux comprendre les défis climatiques et sanitaires liés au développement du bois-énergie. 

Organisée le 8 novembre 2025 à HILTON GARDEN INN à Massy, par Les Amis du Bois de Verrières, en partenariat avec le collectif Sauvegarde forêts IDF et la MAIF. La conférence a réuni un public nombreux venu s’informer, en présence d'experts, autour d’une question centrale : Faut-il couper les arbres pour les brûler ?

 Intervenants :

  • Jacques LASKAR, membre de l’Académie des Sciences, corédacteur de "La forêt face au changement climatique", et président de l'association Collectif des Trois Pignons

  • Michel RIOTTOT, président d’honneur de FNE Île-de-France, et membre du bureau d’AirParif.

  • Sophie DURIN, présidente Les Amis du Bois de Verrières, et animatrice du collectif Sauvegarde forêts IDF, pour les actions associatives.

  • Irène NENNER, présidente de FNE-92, et de Chaville Environnement pour la conclusion de la conférence.

Image de Chad Madden

1. Introduction - Sophie Durin

Nos forêts sont au cœur de la lutte contre le changement climatique, et elles jouent un rôle essentiel pour notre qualité de vie, notre santé et notre économie. Si le bois-énergie peut apparaître comme une alternative locale et « verte » aux énergies fossiles, son développement soulève des interrogations en matière de climat, de santé publique et de préservation des forêts.

Sur le plan sanitaire, le chauffage au bois émet des particules fines et des polluants atmosphériques qui dégradent la qualité de l’air, accentuant les risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires, en particulier dans les zones urbaines déjà exposées, comme l’Ile-de-France.

La pression croissante sur les forêts fragilise les écosystèmes déjà menacés, par le réchauffement climatique :  les arbres poussent moins vite et leur mortalité a bondi de 125% en dix ans, selon les dernières données de l'IGN. 

 

Ces enjeux, à la fois locaux et nationaux, ont été au cœur des échanges.

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2. Bois-énergie -Jacques Laskar

Sur le plan climatique, l’image d’un bois « neutre en carbone » ne résiste pas à l’analyse. Jacques Laskar l’a démontré : la combustion du bois libère environ 367 g CO₂/kWh, soit presque deux fois plus que le gaz naturel.


Pourtant, les tableaux officiels de l’ADEME affichent des valeurs très faibles (12 à 26 g CO₂/kWh), car ils excluent le CO₂ biogénique, ne comptabilisant seulement le CO₂ lié à l’abattage, au transport et à la transformation du bois. Ce discours entretient l’illusion trompeuse d’une neutralité carbone et encourage, par des subventions massives, le développement d'usines à bois et de poêles pourtant très émetteurs.

En 2018, sur les 38,9 Mm³ de bois commercialisés, 50% étaient destinés au bois d’œuvre, 26,5 % en bois d’industrie et 22 % en bois-énergie. En incluant le bois auto-consommé et les résidus de transformation, 68% du bois récolté en France est brûlé, inversant la hiérarchie des usages : bois d’œuvre, bois d'industrie, puis bois-énergie .

 

En Île-de-France, cette tendance produit des effets plus importants : 54 % du bois commercialisé (hors auto-consommation et résidus de transformation) est du bois-énergie, tandis que seulement 29% sert au bois d’œuvre et 17% au bois d’industrie. Cette priorité donnée au chauffage au bois crée une pression croissante sur les forêts.


La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC2) repose sur la capacité des forêts à séquestrer le CO₂. Mais en dix ans, le puits de carbone forestier a été divisé par deux. Or le développement du chauffage au bois encourage les coupes rases, qui détruisent précisément ce puits et aggravent le réchauffement climatique. 
Miser sur le bois-énergie tout en comptant sur les mêmes forêts pour absorber nos émissions, relève d’une contradiction majeure. 

 

La forêt française séquestre en moyenne 1,8 tC/ha/an, mais :

  • Scénario 1 - Coupe rase et bois-énergie : brûler un hectare de forêt libère immédiatement 64 tC, qu’il faut environ 60 ans pour réabsorber  dette carbone très longue qui augmente nos émissions de carbone, à un moment où nous devrions les réduire rapidement.

  • Scénario 2 - Conservation de la forêt et usage du gaz naturel : émissions divisées par deux (32 tC), compensées en 17–18 ans ➝ dette carbone plus courte.

  • Scénario 3 - Conservation de la forêt et recours au mix énergétique français (hors renouvelables) : émissions 2,3 fois plus faibles (160 g CO₂/kWh) que le bois (367 g CO₂/kWh), réabsorbées en 15 ans ➝ option la plus favorable.

 

 

Si l’on souhaite que les forêts jouent leur rôle de puits de carbone, il faut d’abord les laisser pousser.

"On ne peut pas demander à la forêt de remplir leur fonction de puits de carbone tout en l’exploitant massivement pour alimenter la filière bois-énergie​."

Pour aligner les politiques publiques sur la réalité physique des émissions et renforcer le puits de carbone forestier, il appelle à :

  • ce que l'ADEME cesse de présenter le bois-énergie comme faiblement émetteur : la combustion du bois dégage 367 g CO₂/kWh, et non 12 g CO₂/kWh ;

  • réorienter les aides du bois-énergie vers la production de matériaux bois à longue durée de vie ; 

  • promouvoir une sylviculture limitant les coupes rases et valorisant les arbres de gros diamètre ; 

  • renforcer la rénovation énergétique des bâtiments, la mesure la plus efficace pour le climat.

 

Enfin, il rappelle que le chauffage au bois constitue aujourd’hui la première source de particules fines (PM2,5) en Île-de-France, responsables de 6 200 décès annuels  (soit 40 000 en France) aggravant un problème sanitaire déjà critique.

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3. Bois-énergie et Santé -Michel Riottot

Les enjeux sanitaires ont été apportés par Michel Riottot, qui a expliqué les effets de la combustion du bois sur la qualité de l’air et sur la santé publique.
Il a détaillé les émissions polluantes des différentes étapes de la combustion : particules fines et ultra fines, composés organiques volatils
(acide formique, acétique...benzène), charbon, hydrocarbures aromatiques polycycliques, etc., issus des chaufferies et des appareils individuels, rappelant leur rôle majeur dans les pathologies respiratoires et cardiovasculaires.

"Le bois-énergie est beaucoup plus émetteur de polluants que le fioul, le charbon ou le gaz naturel. En hiver, il dépasse même la pollution du trafic routier en Île-de-France. 15 millions de personnes se chauffent au bois en France, dont plus de 800 000 dans notre région."


La combustion du bois émet des particules fines PM2,5 et ultrafines PM0,1, parmi les plus dangereuses pour la santé. Elles affectent l’appareil respiratoire et cardiovasculaire, avec des conséquences immédiates (asthme, infections, hypertension, ...) comme à long terme ( cancers, diabète, obésité, AVC, troubles de la fertilité, atteintes du neurodéveloppement et des fonctions cognitives, ...). La pollution de l’air due aux particules fines touche l’ensemble des organes, car elles passent dans le sang.
 

Les particules PM10 ont un diamètre inférieur à 10 microns, comparable à celui d’une cellule, les PM2,5 à celui d’une bactérie, et les particules ultrafines PM0,1 (<0,1 micron) à celui d’un virus.


Décès liés à la pollution de l'air (PM2,5 et ozone, 2022) selon AirParif : 

  • 7 920 en Île-de-France (dont 6 200 par le chauffage au bois)

  • 5 040 en métropole Grand Paris

  • 1 780 à Paris


Les seuils en France des particules fines dépassent largement les recommandations de l’OMS, jusqu'à 5 fois pour les plus nocives (PM2,5) : 

  • PM10 :  OMS 15 µg/m³ / France 40 µg/m³

  • PM2,5 : OMS 5 µg/m³ / France 25 µg/m³​


Respecter ces seuils permettrait de réduire d'environ 11 % les 7 920 décès anticipés en Île-de-France et de limiter de nombreuses maladies chroniques, inflammatoires et cardiovasculaires (diminution estimée entre 6 et 18 %).

Liens :

Les particules fines AIRPARIF
Rapport enquête mortalité AIPARIF

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... Revoir les replays -Mascottes production

Jacques Laskar "Bois-énergie" 30min

Fragilisée par le climat, la forêt est indispensable au stockage du CO₂. Dans le même temps, le chauffage au bois continue d’être encouragé et subventionné au nom du climat. Une contradiction majeure qu’il est urgent d’interroger.

Michel Riottot "Bois-énergie et Santé" 30min

Analyse des différentes étapes de la combustion du bois, des émissions polluantes (particules fines, composés organiques volatils, HAP, etc.) et de leurs impacts sur la santé humaine.

4. Conclusion -Irène Nenner

Irène Nenner a rappelé que les choix énergétiques et environnementaux ne relèvent pas seulement de décisions techniques ou individuelles : ils dépendent directement de choix politiques. Elle appelle à des orientations publiques cohérentes, capables de concilier besoins énergétiques, protection des écosystèmes et santé des populations.​


"Le bois-énergie est le champion des émissions toxiques dans l’air : en respirer revient, à être exposés comme si nous étions de grands fumeurs de tabac. "
 

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Éléments clés à retenir de cette conférence.

Extrait d'un texte de Jean-Claude Marcus

Nous avons discuté du bois-énergie, mais il existe un autre danger majeur lié aux forêts : le risque d'incendie. Ces mêmes forêts que nous cherchons à préserver de la pollution et du changement climatique peuvent, si nous ne prenons pas les mesures nécessaires, représenter une menace pour les populations. 

5. Une autre manace pour les forêts : le risque d'incendie

Bonjour à toutes et tous,
Je ne peux pas être avec vous aujourd’hui et je le regrette beaucoup.

 
[...] Jacques LASKAR et Michel RIOTTOT vous ont montré combien brûler du bois est nocif pour la Troposphère et tous les êtres aérobies, dont nous faisons partie, dépendante des autres.
 
Un incendie de forêt le sera beaucoup plus qu’une chaufferie à bois ! La densité des populations en Ile-de-France rendra l’incendie d’une forêt redoutable pour les habitants proches et ceux qui seront sous le panache des brandons et des fumées.
[...]L’exemple donné par les forêts en feu du Nord-Ouest du Canada dont les fumées ont asphyxié l’Est et même des pays européens est une alarme pour les habitants d’Ile-de-France.
 
Je fus fondateur et président de l’Association de Défense de la Forêt d’Ecouen et d’Education à la Nature. Toute cette petite forêt est ceinturée de bornes à incendie. [...]
Certes, cette petite forêt est à l’Ouest de la piste Nord de Roissy-Charles-de-Gaulle [...], et maintenant partagée entre deux propriétaires vigilants : le Ministère de la Culture et la Région Ile-de-France.
Ce sont deux motifs supplémentaires pour y voir un exemple de ce qu’il reste à faire pour les forêts urbaines et péri-urbaines.
J’ajoute que mon point de vue est de fusionner en urbaines les forêts péri-urbaines puisque l’incendie s’en chargera, si nous ne le faisons pas auparavant. 
La Région Ile-de-France, la plus riche d’Europe, a les moyens de prévenir ce risque majeur de l’incendie de forêt.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
Jean-Claude MARCUS

6. Présentation des actions associatives

Cette conférence a mis en lumière une évidence : la transition énergétique ne peut se faire au détriment de la santé publique ni des forêts, véritables alliées dans la lutte contre le changement climatique. Le bois-énergie, loin d’être vertueux, appelle à une révision urgente de nos politiques énergétiques et forestières.
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